Lettre - Vote du Projet de Loi 2011 sur l’immigration au sénat - amendement n°219

Présenté sous couvert d’un texte de compromis, l’amendement n°219 constitue la pire version de l’article 17 ter depuis le début de la discussion sur le PLI
et est une véritable catastrophe pour les étrangers malades pour au moins les 4 raisons suivantes :

1- il remplace la condition de "non accès affectif" par la condition d’ ’"absence" du traitement, ce qui supprime de fait le droit au séjour et la protection contre l’éloignement des étrangers gravement malades résidant en France ;

2- il substitue le préfet à l’autorité médicale dans l’appréciation in fine de la situation médicale sous couvert de l’examen de "circonstances humanitaires exceptionnelles" ;

3- il supprime toutes les garanties procédurales instituées par la loi 1997/1998, au premier rang desquels le respect effectif du secret médical ;

4- il supprime de fait toute possibilité de contrôle effectif du juge sur la question de l’accès et même de la disponibilité des soins dans le pays de renvoi, alors même que, bien avant l’intervention de la jurisprudence du Conseil d’Etat du 7 avril 2010, le juge administratif lorsqu’il est saisi par un étranger atteint d’une pathologie d’une exceptionnelle gravité annule une mesure d’éloignement sur deux prise à son encontre.

Ci-dessous l’argumentaire complet de l’ODSE contre cet amendement.
Il est diffusable le plus largement possible auprès des sénateurs.

Pour l’Observatoire du droit à la santé des étrangers
Benjamin Demagny - Caroline Izambert


Madame la Sénatrice, Monsieur le Sénateur,

Dans le cadre de la discussion en 2ème lecture du projet de loi sur l’immigration, vous allez vous prononcer ce jour sur un nouvel amendement proposé par la Commission des Lois (n°219) visant à rétablir l’article 17 ter, en contradiction avec les positions déjà soutenues à deux reprises par cette commission.

Sous couvert d’un texte de compromis, ce nouvel amendement démantèle encore davantage la protection des étrangers gravement malades résidant en France et supprime toutes les garanties procédurales, au premier rang desquels le secret médical, instituées par le législateur en 1997-1998.

1- Si cet amendement est voté, des personnes gravement malades vont être renvoyées vers des pays où elles n’auront aucun accès à leur traitement
Quelle différence entre la notion d’« inexistence » initialement proposée, puis remplacée par la notion d’« indisponibilité », pour finalement revenir à la notion d’« absence » ?
L’existence, la disponibilité ou encore la présence d’un traitement ne garantit plus qu’un étranger gravement malade résidant en France puisse être effectivement soigné en cas de renvoi dans son pays d’origine.

2- Si cet amendement est voté, le préfet sera juge en dernier lieu des critères médicaux à la place de l’autorité médicale aujourd’hui compétente
L’amendement propose d’intégrer une nouvelle disposition qui prévoit la prise en compte de « circonstances humanitaires exceptionnelles appréciées par l’autorité administrative après avis du directeur général de l’agence régionale de santé ».
Le circuit de décision proposé est complexe et ne permettra pas de garantir que des étrangers malades ne soient pas renvoyés sans solution de traitement vital. En effet, il s’agirait de confier à l’autorité administrative, en l’occurrence le préfet, le soin de juger des « circonstances humanitaires exceptionnelles », sans intervention d’un médecin, seul compétent pour apprécier les critères médicaux, et sans recours juridictionnel effectif.

3- Si cet amendement est voté, le secret médical sera systématiquement levé
Comme l’a rappelé la circulaire du 5 mai 2000, l’intervention de l’autorité médicale (médecin inspecteur de santé publique, puis depuis février 2010 médecin de l’Agence régionale de santé) instituée par le législateur en 1997-1998 « vise à préserver le secret médical, tout en s’assurant que le demandeur remplit les conditions fixées par la loi ». A l’opposé, le dispositif complexe proposé par la Commission des lois obligera les étrangers gravement malades à lever le secret médical pour soumettre sans aucune garantie leur situation médicale, sous couvert de « circonstances humanitaires exceptionnelles », à la libre appréciation du préfet.


Madame la Sénatrice, Monsieur le Sénateur, nous en appelons à votre responsabilité pour vous opposer à ce nouveau projet de démantèlement de la loi actuelle concernant la protection des étrangers gravement malades résidant en France.