Recommandations de l’ODSE sur le projet de loi immigration 2015

Les personnes étrangères malades et leurs proches ont le droit de vivre dignement en France 

  • Droit au séjour pour raisons médicales : transfert de l’évaluation médicale des médecins des ARS aux médecins de l’OFII

La disposition en cause

Aujourd’hui, il appartient au médecin de l’agence régionale de santé (ARS – sous tutelle du Ministère de la Santé) de procéder à l’évaluation médicale de la demande de titre de séjour pour soins. Le projet de loi sur l’immigration propose de transférer cette compétence au médecin de l’office français de l’immigration et de l’intégration (OFII – sous tutelle du Ministère de l’Intérieur).

Rédaction actuelle de l’article L.313-11-11° CESEDA :

« après avis du médecin de l’agence régionale de santé de la région de résidence de l’intéressé, désigné par le directeur général de l’agence, ou, à Paris, du médecin, chef du service médical de la préfecture de police. Le médecin de l’agence régionale de santé ou, à Paris, le chef du service médical de la préfecture de police peut convoquer le demandeur pour une consultation médicale devant une commission médicale régionale dont la composition est fixée par décret en Conseil d’Etat. »

Proposition de changement (article 10 du projet de loi) :

« […] la décision de délivrer la carte de séjour est prise par l’autorité administrative après avis d’un collège de médecins du service médical de l’Office français de l’immigration et de l’intégration dans des conditions définies par décret en Conseil d’Etat. L’Office accomplit cette mission dans le respect des orientations générales fixées par le ministre chargé de la santé. […] »

Pourtant, en mars 2013, alors qu’un rapport IGA/IGAS soulignait notamment les disparités des avis rendus par les médecins de l’ARS selon les régions, en vue d’y remédier, l’instruction interministérielle du 10 mars 2014 encourageait une approche collégiale. Ses modalités restaient à déterminer au niveau local dans le respect de l’autonomie de chaque ARS : réunions d’échanges et de travail sur les outils, étude de dossiers en commun, développement des téléconférences, etc. Quelques semaines plus tard, et sans que le bilan de ces préconisations n’ait été fait, le projet de loi retient une toute autre piste, tout en restant silencieux quant aux modalités pratiques de l’organisation de cette procédure et quant aux garanties d’indépendance de ses acteurs.

L’ODSE s’oppose à la mise en place d’une nouvelle mission de « police de santé des étrangers » 

Le cadre juridique du dispositif d’évaluation médicale relatif au droit au séjour pour soins et à la protection contre l’éloignement répond à un objectif de protection de la santé, sans aucune restriction. En confiant initialement la délivrance des avis médicaux sur la poursuite de soins en France aux médecins des agences régionales de santé, sous tutelle du ministère de la santé, le législateur agissait en réponse aux impératifs de santé individuelle et de santé publique.

Transférer la responsabilité de ce dispositif d’évaluation médicale aux médecins de l’OFII serait l’éloigner de son objectif exclusif de protection de la santé individuelle et de la santé publique. En effet, l’OFII, établissement public sous tutelle exclusive du ministère de l’intérieur, a pour objet la gestion des flux migratoires et le contrôle des étrangers.

Or, dans le strict intérêt de la santé, prévention et protection de la santé doivent relever des responsabilités et compétences du ministère de la santé tandis que le contrôle de l’immigration relève des compétences et responsabilités du ministère de l’Intérieur. Le choix de l’administration de tutelle et le cadre posé par cette dernière déterminent notamment la place laissée aux soins et à la prévention, au respect de la confidentialité. Il doit permettre d’éviter la confusion entre des actions de santé et des actions de contrôle de l’immigration.

En 1993 déjà, le Haut Comité de la Santé Publique constatait qu’il était totalement inapproprié que des missions médicales relevant du ministère de la santé soient confiées à une autre administration :

« absence de savoir-faire et de légitimité de cette administration [pénitentiaire] à concevoir des politiques de santé et à assurer le repérage systématique des besoins des détenus en la matière, le recours à des personnels sanitaires de statuts très disparates, la précarité de leurs modes de rémunération nuisent à la capacité des services médicaux des établissements pénitentiaires à assurer convenablement la continuité des soins et à définir un véritable projet de service dans l’établissement. ».

Ce transfert contreviendrait en outre aux principes propres à la déontologie médicale. En effet, les médecins des Agences régionales de santé, rattachés au ministère de la santé, contribuent à la santé publique et à la prévention, et poursuivent un objectif de promotion de la santé (missions de prévention et continuité des soins). Ils sont les garants de la régularité de la procédure et en particulier du respect des droits de la personne malade, au premier rang desquels figure le droit au respect du secret médical. Ces missions et objectifs sont incompatibles avec ceux de l’OFII, institution sous tutelle du Ministère de l’Intérieur qui participe au contrôle des flux migratoires et dont les médecins détiennent, en guise de ce que le gouvernement appelle une « expertise affirmée en matière de santé des étrangers », des compétences exclusives de médecine de contrôle, alors même que l’intérêt, le contenu et les limites de la "visite médicale obligatoire" effectuée par l’Ofii pour les étrangers primo-accédants à un titre de séjour (dont les modalités sont fixées par l’Arrêté du 11 janvier 2006) sont remis en question (le Haut Conseil de la Santé Publique rendra son Avis sur ce point le 1er février 2015 aux ministères de la Santé et de l’intérieur).

C’est également à la lumière de ce principe d’étanchéité entre médecine de prévention et médecine de contrôle que deux inspections générales ont déploré l’organisation des soins en milieu pénitentiaire, dépendante de la seule administration pénitentiaire et pas du tout du ministère de la santé. L’IGAS et l’IGSJ ont constaté que la santé en prison ainsi organisée laissait peu de place aux soins, ne garantissait pas le respect de la confidentialité, ni le suivi à la sortie. Elles en concluaient qu’un véritable droit aux soins n’était pas assuré en milieu pénitentiaire.

Par simple transposition de ces constats, on ne peut que s’opposer à ce que l’OFII intègre cette mission.

Enfin, cette réforme conforterait les dérives actuelles, alors que la tendance depuis des années à faire prévaloir les questions de contrôle de l’immigration sur celles de protection de la santé s’amplifie et entraîne des violations des droits des personnes étrangères malades.

En effet, l’ingérence du ministère de l’Intérieur dans le dispositif des avis médicaux, champ de compétence exclusif du ministère de la Santé, est d’ores et déjà constatée. Elle se situe à différents niveaux : atteinte au secret médical au guichet des préfectures, contre-expertise médicale effectuée par le préfet faisant fi de l’avis rendu par le MARS, le ministère de l’intérieur considérant que le préfet n’est pas lié par l’avis rendu par le MARS.

Certes, il revient aux services du ministère de l’Intérieur d’apprécier les conditions administratives (résidence habituelle, menace à l’ordre public) conduisant à déterminer le type de protection accordée (carte de séjour temporaire ou autorisation provisoire de séjour). Mais il ne relève pas de leurs compétences d’intervenir pour l’appréciation des conditions médicales (articles L.313-11 et R.313-22 du CESEDA) déterminant la nécessité ou non d’une protection ; cette intervention est également contraire au respect du secret médical (art. L.1110-4 et R.4127-4 du Code santé publique).
Depuis la réforme de juin 2011, malgré les alertes associatives, ces ingérences perdurent et on assiste à une démission du ministère de la santé lorsqu’il s’agit de faire appliquer ses propres recommandations par les MARS et de faire respecter son périmètre de compétences auprès du ministère de l’intérieur. Placer le dispositif d’évaluation médicale au sein de l’OFII parachèverait ce changement de logique et d’objectif et substituerait aux principes de la protection de la santé ceux du contrôle de l’immigration.

L’ODSE considère qu’il est impératif que soit confié au ministère de la Santé le pilotage exclusif et la mise en œuvre du dispositif d’évaluation médicale prévu dans le cadre du droit au séjour et de la protection contre l’éloignement des étrangers malades, et l’encadrement des médecins qui seront amenés à opérer cette évaluation médicale.

  • Droit au séjour pour raison médicale : de nouveaux critères d’accès au séjour sans garantie

La disposition en cause

La loi du 16 juin 2011 a modifié les critères d’accès au titre de séjour pour soins tels qu’ils avaient été définis par la loi de 1998. Cette modification, remplaçant la notion « d’accès effectif au traitement approprié » par celle d’« absence de traitement approprié » a fortement durci l’évaluation médicale permettant l’accès au séjour et a entraîné des refus de titres de séjour pour des personnes gravement malades qui ne peuvent effectivement bénéficier de l’accès à une prise en charge médicale appropriée à leur état de santé dans leur pays d’origine.

Le projet de loi propose une nouvelle formulation des critères médicaux qui, sans revenir à la formulation de 1998, réintroduit néanmoins la notion d’effectivité dans l’appréciation à mener lors de l’évaluation médicale :

Rédaction actuelle de l’article L.313-11-11° CESEDA

« à l’étranger résidant habituellement en France dont l’état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d’une exceptionnelle gravité, sous réserve de l’absence d’un traitement approprié dans le pays dont il est originaire, sauf circonstance humanitaire exceptionnelle appréciée par l’autorité administrative après avis du directeur général de l’agence régionale de santé. […] »

Proposition de changement (article 10 du projet de loi) :

« à l’étranger résidant habituellement en France, si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d’une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l’offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d’un traitement approprié. […] »

L’ODSE salue cette modification mais cette nouvelle définition du droit au séjour pour soins ne saurait être respectée qu’à condition que l’évaluation médicale soit menée dans une logique de prévention de la santé et non de contrôle de l’immigration.


  • Discrimination à l’encontre des étrangers malades pour l’accès à la carte de résident


    Les dispositions et pratiques en cause

Les réformes législatives de 2003 et 2006 ont profondément modifié et restreint les règles encadrant l’accès à la carte de résident, en consacrant notamment le pouvoir discrétionnaire du préfet.
Si la législation ne fait aucune distinction entre les personnes étrangères malades et les autres demandeurs d’une carte de résident, la pratique traduit une application différenciée des textes. Certaines préfectures vont jusqu’à refuser catégoriquement toutes les demandes formulées par les personnes étrangères titulaires d’une carte de séjour obtenue sur le fondement de l’article L.313-11-11° du CESEDA, quelle que soit l’ancienneté de leur séjour en France, leur parcours professionnel et/ou leur handicap, leur vie familiale… et quand bien même la situation du demandeur répond en tout point aux critères prévus par la loi. Ces préfectures considèrent que le droit au séjour pour soins serait « par nature » temporaire et que les intéressés n’auraient « par nature » pas vocation à résider durablement en France.

En dépit de rappels à l’ordre répétés, y compris de la part de la HALDE puis du Défenseur des Droits, de nombreuses préfectures persistent à refuser systématiquement l’attribution d’une carte de résident aux personnes étrangères titulaires d’un titre de séjour pour raisons médicales.

L’ODSE réaffirme le droit à une carte de résident pour les étrangers malades.

Le Code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile ne distingue en rien le droit à une carte de résident selon le motif de séjour du demandeur, comme l’ont rappelé plusieurs décisions de tribunaux administratifs et délibérations du Défenseur des droits. Ce dernier a d’ailleurs considéré que les refus préfectoraux de carte de résident motivés par le droit au séjour pour soins du demandeur constitue une pratique discriminatoire, porteuse de nombreux préjudices : « la possession d’une carte de séjour temporaire, au lieu et place d’une carte de résident, implique pour son titulaire des difficultés d’ordre pratique et juridique dans de nombreux domaines de la vie quotidienne et, de fait, un traitement défavorable par rapport à une autre personne étrangère placée dans une situation comparable qui détiendrait une carte de résident ».

L’ODSE demande à ce que l’accès sans discrimination à la carte de résident pour les personnes étrangères malades soit garanti. Pour cela, le rétablissement de la carte de résident de plein droit pour les titulaires d’une carte de séjour temporaire « vie privée et familiale » après cinq années de situation régulière en France est indispensable.
L’ODSE soutient les revendications de la campagne « Rendez-nous la carte de résident ! », www.cartederesident.org


  • Accès à la carte pluriannuelle pour les titulaires d’un titre de séjour pour soins

Disposition en cause

Le projet de loi prévoit que, par exception à la durée de 4 ans de la carte pluriannuelle, la personne étrangère régularisée à raison de son état de santé pourra prétendre à la délivrance d’une carte pluriannuelle « pour la [seule] durée des soins » (art 11 du projet de loi).

Article 11 du projet de loi

« Art L.313-18 - La carte de séjour pluriannuelle a une durée de validité de quatre ans, sauf lorsqu’elle est délivrée : […]
3° à l’étranger visé au 11° de l’article L.313-11. Sa durée est égale à celle des soins.

Art L.313-19 – L’étranger qui sollicite la délivrance ou le renouvellement d’une carte de séjour pluriannuelle en faisant valoir un autre motif que celui sur lequel est fondée la carte de séjour dont il était titulaire bénéficie d’une carte de séjour temporaire d’une durée d’un an lorsque les conditions de délivrance de cette carte sont remplies.
A l’expiration de la durée de validité de cette carte de séjour temporaire et s’il continue à en remplir les conditions de délivrance, il bénéficie à sa demande d’une carte de séjour pluriannuelle portant la même mention. »

Une dérogation complexe et disproportionnée selon l’ODSE.

L’introduction d’un titre pluriannuel a pour objectifs affichés de réduire la récurrence des démarches pour les personnes concernées, de stabiliser leur situation administrative et de simplifier le travail des administrations compétentes. Rien ne justifie que les personnes étrangères relevant du droit au séjour pour soins ne puissent bénéficier des mêmes améliorations et qu’elles soient cantonnées à un dispositif spécifique, synonyme de discriminations et de complexité.
La très grande majorité des personnes titulaires d’un titre de séjour pour soins ne sont pas venues en France pour se soigner mais découvrent leur maladie alors qu’elles résident déjà en France ; elles n’ont a priori pas vocation à retourner dans leur pays une fois guéries.
De plus, les personnes titulaires d’un titre de séjour pour soins sont, par définition, gravement malades et souffrent de maladies chroniques parfois incurables ; la durée prévisible des soins est aléatoire, elle est parfois difficilement évaluable par les médecins.
Enfin, la maladie n’étant pas la (seule) raison du séjour en France, il est particulièrement inapproprié de faire perdre le droit à la carte de séjour pluriannuelle au motif que le droit au séjour changerait de fondement. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle la carte de résident est renouvelable de plein droit.

L’ODSE réclame que les personnes étrangères concernées par le droit au séjour pour soins bénéficient d’un titre de séjour pluriannuel dès lors que l’avis médical indique une durée des soins supérieure à un an et que ce titre de séjour soit renouvelé de plein droit quel que soit le motif du droit au séjour en France.


  • Accès à une carte de séjour temporaire pour les personnes étrangères accompagnantes de malades.

Rappel du dispositif en vigueur.

La loi du 24 juillet 2006 a prévu qu’une autorisation provisoire de séjour soit délivrée à la discrétion du préfet (et non pas de plein droit), à seulement l’un des parents d’un enfant étranger et malade, pour une durée maximale de six mois, et sans autorisation de travail de plein droit (art. L311-12 du CESEDA).

S’il n’y a pas de disposition spécifique qui les vise, les proches de personnes majeures malades qui les soutiennent dans les actes de la vie quotidienne peuvent également accéder à un titre de séjour reposant sur le respect de leur vie privée et familiale (art L.313-11 7° du CESEDA).

Un dispositif restrictif et précaire, sujet à l’arbitraire des préfectures.

Le fait que la présence d’une personne étrangère soit nécessaire à la santé d’une personne malade doit se traduire par un droit au séjour et au travail de la personne accompagnante (la nécessité de sa présence étant attestée par le médecin de la personne malade).

La logique qui consiste à créer des catégories de titres de séjour spécifiques est dangereuse : d’une part, elle conduit inévitablement à ignorer des catégories de personnes (faut-il un lien de parenté entre accompagnant et malade ? lequel ? quid des accompagnants étrangers de Français ? pourquoi un titre pour les accompagnants des seuls enfants mineurs malades et non des majeurs ?…). La délivrance d’une simple autorisation provisoire de séjour sans droit au travail a pour effet de précariser le droit au séjour des personnes concernées.

Le droit au séjour des personnes étrangères accompagnantes de toute personne malade (majeure ou mineure, quelle que soit sa nationalité) devrait être examiné dans le cadre de l’article L.313-11 7° du CESEDA, puisque, dans ce cas, la carte de séjour temporaire mention « vie privée et familiale » est délivrée de plein droit à l’étranger dont les liens personnels et familiaux en France sont tels que le refus d’autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus
Ces personnes accompagnantes sont en effet parfois le seul soutien de leur proche gravement malade, dont les soins ne sont pas accessibles dans leur pays d’origine. Une telle régularisation leur permettrait de demeurer légalement sur le territoire français afin d’apporter l’assistance affective, psychologique, physique et matérielle indispensable à l’amélioration de l’état de santé du malade.

Selon l’ODSE, le droit au séjour des personnes étrangères accompagnantes de malades doit être consacré par la délivrance d’une carte de séjour mention « vie privée et familiale » prévue à l’article L313-11 7° du CESEDA, le cas échéant après avis d’une autorité médicale.
L’article L.311-12 du CESEDA doit être abrogé.

  • Protection des travailleurs étrangers en situation irrégulière victimes d’accident de travail

Dans sa rédaction actuelle, le CESEDA (article L.313-11, 9°) ne prévoit la régularisation de l’étranger victime d’un accident de travail qu’au stade de la détermination du taux d’incapacité : « Sauf si sa présence constitue une menace pour l’ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : 9° A l’étranger titulaire d’une rente d’accident du travail ou de maladie professionnelle servie par un organisme français et dont le taux d’incapacité permanente est égal ou supérieur à 20 %, sans que la condition prévue à l’article L. 311-7 soit exigée ».

Hormis les cas où l’étranger en situation irrégulière, victime d’un accident du travail ou d’une maladie professionnelle, parvient à obtenir une autorisation provisoire de séjour ou une carte de séjour temporaire mention « vie privée et familiale » au titre de l’article L 313-11 11° du CESEDA, l’accidenté du travail ou le malade (dans le cadre d’une maladie professionnelle) se trouve, au vu du texte précité, sans titre de séjour du moment où il procède (le plus souvent) à la déclaration de son accident du travail ou de sa maladie professionnelle jusqu’à la date où il finit éventuellement par voir son état de santé consolidé par la CPAM/CGSS avec des séquelles, séquelles devant en outre donner lieu à un taux d’incapacité permanente d’au minimum 20%.

S’ajoute à cela que si l’accident du travail (ou la maladie professionnelle) est reconnu par la CPAM/CGSS, seuls les soins en lien avec cet accident ou cette maladie sont pris en charge par la sécurité sociale, au titre de la législation sur les risques professionnels (des indemnités journalières doivent aussi être servies à la victime, ce qui n’est pas toujours le cas en pratique).

Pour les autres soins qui ne sont pas en lien avec cet accident du travail ou cette maladie professionnelle mais que son état de santé peut nécessiter, l’étranger en situation irrégulière ne peut ouvrir droit à l’AME, soit parce que le travailleur a eu des ressources supérieures au plafond, soit parce que les caisses ne souhaitent pas ouvrir des droits à l’AME du fait que l’intéressé bénéficie dans le même temps d’une prise en charge au titre de la sécurité sociale dans le cadre de l’accident du travail ou de la maladie professionnelle.

C’est pourquoi, l’ODSE demande que l’article L 313-11 9° du CESEDA soit complété afin que l’étranger, victime d’un accident du travail ou d’une maladie professionnelle, se voit délivrer un titre de séjour à compter de l’enregistrement par la CPAM/CGSS de sa déclaration d’accident du travail ou de maladie professionnelle –complétée du certificat médical initial requis- jusqu’au terme de la procédure, à savoir l’éventuelle détermination d’un taux d’incapacité au moins égal à 20%.

De la même manière, il apparaîtrait judicieux que les ressortissants algériens en situation irrégulière puissent bénéficier des mêmes dispositions que les autres ressortissants en matière d’accident du travail ou de maladie professionnelle.

  • Protection effective contre l’éloignement des personnes étrangères malades enfermées en rétention et en prison ou assignées à résidence

Un cadre juridique très insuffisant pour les personnes étrangères enfermées ou assignées

La principale norme en vigueur concernant les personnes étrangères malades incarcérées ou placées en rétention est la circulaire interministérielle du 17 décembre 1999 portant sur l’organisation des soins en rétention. Cette circulaire est devenue obsolète sur plusieurs points (prise avant la réforme des ARS, notamment pour tout ce qui relève des compétences territoriales). De plus, elle comporte des imprécisions et des vides importants quant à la procédure (à titre illustratif et non exhaustif) :

  • rien n’est prévu pour garantir la suspension de l’éloignement pendant la saisine du MARS,
    - rien n’est prévu pour informer l’intéressé et les services médicaux des CRA du sens de la décision prise par le préfet suite à l’avis du MARS,
  • rien n’est prévu pour la spécificité des locaux de rétention où aucune présence médicale n’est requise,
  • rien n’est prévu pour protéger les personnes dont l’état de santé est incompatible avec l’enfermement en rétention,
  • rien n’est prévu pour assurer la protection des personnes malades assignées à résidence, alors que l’assignation à résidence se multiplie.

En prison, le guide méthodologique « prise en charge sanitaire des personnes placées sous main de justice » du 30 octobre 2012 est insuffisant et peu appliqué. Il n’a pas de statut normatif contraignant.

Ce cadre juridique déficient engendre l’enfermement en rétention de nombreuses personnes gravement malades ne pouvant être soignées dans le pays de renvoi. Nombre de ces personnes sont expulsées depuis la rétention mais aussi directement à leur sortie de prison. Plusieurs expulsions ont ainsi été évitées in extremis après l’intervention en urgence et incessante des associations auprès des ministères. Ces solutions parcellaires et au cas par cas ne sauraient tenir lieu et place d’une législation et de procédures protectrices.

L’ampleur des dysfonctionnements constatés en prison, en centre de rétention administrative (CRA) et, en particulier, les atteintes graves à la protection des étrangers malades contre l’éloignement appellent une réforme en urgence.

L’ODSE souhaite une protection effective contre l’éloignement des personnes étrangères malades en prison, en rétention ou assignées à résidence. Cette protection doit s’appliquer quelles que soient les mesures d’éloignement qui visent ces personnes (OQTF, ITF, arrêté d’expulsion, arrêté de réadmission, assignation à résidence). Elle doit aussi être garantie sur tout le territoire français, y compris dans les départements d’outremer qui concentrent la moitié des expulsions annuelles, de manière très expéditive et sans recours effectif. En l’absence de cette garantie, en Outre-mer ou pour les personnes sous le coup de certaines mesures d’éloignement, les éloignements peuvent être si expéditifs qu’il est matériellement impossible d’évaluer le besoin de protection des personnes malades.

Il est primordial de donner à ces nouvelles dispositions un véritable statut normatif contraignant.

Selon l’ODSE, doit prévaloir, en établissement pénitentiaire comme en local et centre de rétention administrative ou dans le cadre de mesures d’assignation à résidence, l’objectif de protection de la santé des personnes sur les objectifs sécuritaires et de politique d’éloignement.
→ introduction de dispositions législatives prévoyant expressément l’effet suspensif de l’exécution de l’éloignement lorsque le médecin exerçant en CRA ou prison saisit le MARS d’une demande de protection contre l’éloignement.
→ Introduction de dispositions législatives prévoyant expressément un recours effectif et suspensif contre la décision administrative qui ferait suite à un avis MARS rendu en urgence pour une personne enfermée. Ces dispositions doivent s’appliquer sur l’ensemble du territoire, y compris en Outre-mer ;
→ Pour la prison d’une part, le guide méthodologique « prise en charge sanitaire des personnes placées sous main de justice », et, d’autre part, la circulaire de 1999 pour la rétention, doivent faire l’objet d’une révision en profondeur. Cette révision doit être conduite en concertation avec les acteurs concernés et faire l’objet d’un décret d’application qui s’impose aux autorités. Un cadre règlementaire doit être introduit pour organiser les délais et la circulation des informations entre les divers acteurs concernés.

  • L’ingérence de l’autorité préfectorale au nom de la lutte contre la fraude

La disposition en cause

Article 25 du projet de loi

« art L.611-12 – sans que s’y oppose le secret professionnel autre que le secret médical, les autorités et personnes privées visées aux alinéas suivants transmettent à l’autorité administrative compétente, agissant dans l’exercice des missions prévues au présent code et sur sa demande, les documents et informations strictement nécessaires au contrôle de la sincérité et de l’exactitude des déclarations souscrites ou de l’authenticité des pièces produites en vue de l’attribution d’un droit au séjour ou de sa vérification.
Ce droit à communication s’exerce à titre gratuit, auprès :

  • […]
  • des organismes de sécurité sociale
  • des établissements de soins publics et privés
  • […]

Une atteinte aux libertés individuelles et à la confidentialité disproportionnée, arbitraire et liberticide.

L’ODSE considère que cette disposition est anticonstitutionnelle en ce qu’elle viole le principe de séparation des pouvoirs entre l’institution judiciaire (garante des libertés individuelles) et l’autorité administrative.

Au nom du principe de liberté, il appartient uniquement et de manière restrictive aux autorités judiciaires dans le cadre d’une enquête pénale d’obtenir des informations. Les prérogatives que donnerait cette disposition à l’autorité préfectorale transgressent manifestement ce principe et ne sauraient trouver d’autre fondement que la criminalisation de l’immigration.

L’ODSE rappelle que toutes les personnes étrangères ne sauraient être présumées des fraudeurs et s’oppose fermement à cette conception de la politique migratoire obsédée par le contrôle et la fraude au détriment des droits humains, dont fait partie le droit à la santé.


L’article 25 du projet de loi doit être supprimé.